Construction de logement dans les espaces périurbains du Bassin parisien

Université de Genève, LAREP (ENSP Versailles-Marseille), MRTE (CY Cergy Paris Université)
Publié le

9 septembre 2021

Le périurbain1 est souvent perçu comme un espace bâti principalement de maisons individuelles isolées sur leur parcelle. Si cette forme d’habitat se construit encore, surtout dans les franges du pavillonnaire, ce n’est pas la seule : on y trouve aussi des appartements, qu'ils soient sociaux ou privés. Or, si le logement individuel a fait l’objet d’analyses nombreuses tant sur le mode d’habiter (Rougé 2005), que sur le système particulier de production sur lequel il s’appuie (Callen 2010), le logement collectif en périurbain a été peu analysé. Quelle place prend-il dans les espaces périurbains du Bassin parisien ?

Nous proposons ainsi de nous intéresser à la nature de la construction dans les espaces périurbains, en distinguant la production de logements individuels de celle de logements collectifs. Nous nous appuyons pour cela sur deux bases, la base logement de l'INSEE, qui permet notamment de connaître la répartition entre appartement et maison dans le grand bassin parisien, et la base Sit@del22, analysée à l'échelle de l'aire urbaine parisienne. Ces deux bases nous permettent de dresser un état des lieux de l'offre de logement dans le Bassin parisien, puis d'analyser la dynamique de construction d'appartements dans le périurbain de Paris.

État des lieux de l'offre de logement dans le grand bassin parisien3

En France, de manière attendue, la part d'appartements est plus importante dans les pôles de l'unité urbaine - c’est-à-dire dans les villes centres (68 %) - que dans leur agglomération (52 %), dans le périurbain (15 %) ou encore dans les communes dites multipolarisées (12 %)4. Dans l'espace rural, cette part est relativement plus importante (20 %), en lien notamment avec la persistance de petites centralités historiques. Dans le Bassin parisien et plus encore dans l'aire urbaine parisienne, ces parts d'appartements sont plus importantes, même dans des communes périurbaines (26 %) (voir Tableau 1 et figure 1).

Part d'appartements dans le parc de résidences principales
Figure 1 : Part d'appartements dans le parc de résidences principales

Ces appartements sont pour beaucoup anciens : bien que l’habitat individuel soit majoritaire aujourd’hui dans les bourgs de région parisienne, historiquement ceux-ci ont été façonnés par des immeubles mitoyens d’un ou deux étages typiques des villages franciliens qui permettent d’accueillir des densités de population assez importantes. Depuis les années 1950-60, l’étalement urbain et la construction de maisons individuelles constituent ainsi une rupture avec cet urbanisme caractéristique des bourgs. À cette époque, les lotissements se sont peu à peu imposés en périphérie jusqu’à ce que les villages soient majoritairement constitués de maisons et y représentent aujourd'hui le principal type de logements : 74 % dans le périurbain de Paris et 85 % dans les espaces périurbains du Bassin parisien (voir figure 2).

Part des appartements dans le parc des résidences principales selon la nature de la commune
Tableau 1 : Part des appartements dans le parc des résidences principales selon la nature de la commune

La construction de logements collectifs, une nouvelle dynamique dans le Bassin parisien ?

La base logement de l'INSEE nous permet de connaître les périodes d'achèvement des appartements et des maisons, notamment récentes (entre 2006 et 2014) (voir Tableau 2 et figure 1). Cela nous amène à constater, là aussi, une part plus importante de logement collectif a été construite dans les aires urbaines du Bassin parisien (et surtout dans l'aire urbaine de Paris) que dans le reste de la France. La part plus élevée dans le bassin parisien est essentiellement due à la présence de l'Île de France, les parts de logements collectifs alors que dans les agglomérations et périurbains des villes moyennes du reste de la France, dont sont bien inférieures à celles du bassin parisien. Dans le périurbain parisien, 34 % des constructions achevées entre 2006 et 2014 sont des appartements, plus que le parc actuel (26 %, voir tableau 1). Si ce périurbain demeure le « royaume des maisons » (Fonticelli, 2018), il se diversifie, se construit différemment, notamment à proximité de Paris.

Part des logements dans le parc des résidences principales achevés entre 2006 et 2014

Tableau 2 : Part des logements dans le parc des résidences principales achevés entre 2006 et 2014

L’analyse des données de la base Sit@del2 montre qu’une part non négligeable de logements construits dans le périurbain parisien l’a été en collectif entre 1975 et 2014 (voir Graphique 1), puisqu’ils représentent 29 % des logements commencés5. L'architecture, les morphologies de ces constructions sont de nature hétérogène, entre de grands quartiers de logements réalisés en extension urbaine sur des terres agricoles et de petites opérations de densification réalisées avec des architectures « pastichantes » imitant les architectures des constructions denses au sein des villages.

Construction de logement entre 1975 et 2014, et entre 2005 et 2014, dans le périurbain de Paris

Graphique 1 : Construction de logement entre 1975 et 2014, et entre 2005 et 2014, dans le périurbain de Paris

Cette proportion est plus élevée dans le périurbain de Paris que pour le périurbain d'autres villes, ce qui s'explique en partie par le découpage fait par l’INSEE de l’aire urbaine de Paris, qui inclut dans le périurbain de véritables centralités (Meaux, Fontainebleau, Rambouillet). Or, ces dernières se développent beaucoup par construction de logement collectifs, en leur sein ou sur des communes limitrophes (voir Figures 1 et 2).

Une nouvelle dynamique de construction de logements collectifs dans les communes périurbaines ?

Figure 2 : Une nouvelle dynamique de construction de logements collectifs dans les communes périurbaines ?

Enfin, si la construction de logements collectifs n’est pas négligeable à l’échelle de la production de logement en périurbain, elle représente une part somme toute assez minime à l’échelle de l’aire urbaine francilienne (6 % des logements collectifs). À l’inverse, la production de logement individuel en périurbain représente 40 % de la production de logement individuel dans l’aire urbaine.

En conclusion, la construction croissante de logements collectifs participe à la diversification d'un périurbain longtemps vu comme homogène, en facilitant les parcours résidentiels (Didier-Fèvre et al., 2014). Le logement collectif y est en effet souvent de plus petite taille (Fonticelli, 2018), répondant aux besoins des personnes âgées, des jeunes ménages décohabitants, voire des familles monoparentales dont tous n'ont pas l'envie ou les moyens d'habiter dans du logement individuel, mais qui souhaitent habiter en périurbain (Fonticelli, 2021).

1 Entendu ici au sens de l’INSEE, 2010, où le périurbain correspond aux communes de la couronne de l'aire urbaine.

2 Cette base exploite des données qui « proviennent des formulaires de permis de construire traités par les centres instructeurs. Les mouvements relatifs à la vie du permis (dépôts, autorisations, annulations, modificatifs, mises en chantier, achèvements des travaux) sont exploités à des fins statistiques » (ministère de la transition écologique, consulté le 15/04/2021). Nos analyses portent uniquement sur le logement individuel, le logement collectif, et le logement en résidence. Cette base permet de connaître, année par année, la production de logements, et donc d'avoir un découpage temporel plus fin que celui de la base logement de l'INSEE.

3 Le Bassin parisien est défini selon le MIIAT, c’est-à-dire comprenant la Haute et Basse Normandie, l'Île-de-France, la Picardie, la Champagne-Ardenne, le Centre, l'Yonne et la Sarthe.

4 Nous reprenons pour cela les nomenclatures issues de l'INSEE, 2010 (voir INSEE, 2011).

5 La base propose des données sur les logements autorisés (qui repose sur les permis de construire), les logements commencés (c'est-à-dire à des logements réellement sortis de terre) et les logements achevés, mais cette dernière base est réputée peu fiable (Trouillard, 2014). Nous utiliserons donc les données sur les logements commencés.

Bibliographie

CALLEN Delphine, 2010, « La fabrique des lotissements périurbains par les grands promoteurs immobiliers en Ile de France : des modèles standardisés ? », thèse de doctorat, Paris.

Commissariat général au développement durable & Service de l’observation des statistiques. (2013). Sit@del 2 : Bien choisir entre données en date de prise en compte et données en date réelle. http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/fileadmin/documents/Themes/Logement-Construction/Construction/bien%20choisir01.pdf

Didier-Fèvre, C., Poulot, M., Aragau, C., Berger, M., Rougé, L., Mettetal, L., Bouleau, M., Goff, T. L., Mangeney, C., Laruelle, N., & Darlay, A. (2014). Les territoires périurbains : De l’hybridation à l’intensité ? [Report]. PUCA (Plan Urbanisme Construction Architecture). https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01145733/document

FONTICELLI Claire, 2018, Construire des immeubles au royaume des maisons La densification des bourgs périurbains franciliens par le logement collectif : modalités, intérêts et limites, thèse de doctorat IAVFF :  Paris, 524 p.

FONTICELLI Claire, 2021, l’appartement périurbain : une place choisie ? Politiques de densification des bourgs en Île-de-France et modes d’habiter périurbain, Territoire en Mouvement, à paraître

ROUGE Lionel, 2005, Accession à la propriété et modes de vie en maison individuelle des familles modestes installées en périurbain lointain toulousain. Les « captifs » du périurbain ?,Toulouse II le Mirail, s.l., 381 p.

Trouillard Emmanuel, 2014, La production de logements neufs par la promotion privée en Île-de-France (1984-2012) : Marchés immobiliers et stratégies de localisation. [Phdthesis, Université Paris 7 - Denis Diderot]. https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01101951/document